J'ai toujours rêvé éveillé. Je suis un de ces enfants qu'on a dit maladroit et lunaire. Comme chacun d'eux, je rêvais à mes futurs et à des ailleurs. Je les enrichissais par la lecture. Je les faisais naître grâce au cadre d'une feuille sur laquelle je dessinais ou de figurines qui définissaient plus ou moins un univers. J'aimais déjà me raconter et raconter aux autres des histoires.

 

  Cet enfant, il est toujours là. On me dit souvent que je suis un homme-enfant. Mais l’adulte que je suis doit aussi faire face à la réalité.

 

  Ce qui peut  m'ancrer dans la réalité c'est la rencontre et l'échange avec l'autre. L'autre : vecteur qui pourra tantôt m'accrocher à la vie tandis qu’elle perd sens, comme me l'a rendre intolérable alors que la journée s’annonçait si belle.  Mais même au cœur d'une conversation, je peux décrocher, et m’engouffrer dans mon monde intérieur tandis que les mots de l’autre flottent autour de moi.

 

  Mes rêves comme mes cauchemars, mes bribes d'idées, toute cette culture et ces acquis qui ne s'oublient que trop vite, forment une tourbe en moi. Par un mouvement, je dois y pêcher les éléments dont naîtra la forêt de mon univers. Au risque que ce terreau pourrisse, si je le laisse ainsi.  S’il y a une chance pour que ce monde intérieur ne s'assèche pas, pour que j’apprenne à rasssembler mes mots désordonnés et construire un pont vers la réalité, ce sera par ce mouvement. Tout ce que m'ont appris mes rêves en grandissant, c'est que ce mouvement devait être artistique.