Jérôme Michez
Je suis Jérôme. J’ai beaucoup de mal à faire les choses dont je ne vois pas le sens, et beaucoup de mal à suivre les ordres de quelqu’un d’autre. Mais être son propre donneur d’ordre ce n’est pas facile. Je suis à la recherche d’une discipline et d’un équilibre pour proposer au monde ce qu’il y aura de meilleur en moi.
Je suis le cadet de trois frères. Ça pèse probablement son petit poids dans ma vie. Je suis celui qu’on laissait tranquille, qu’on laissait rêver, qui n’avait pas à prendre de décisions. Je ne pense pas être quelqu’un d’efficace. Je n’arrive pas à faire ce qu’il faut faire pour aller à un endroit visé. Je vogue entre les vagues principes que je me suis érigés pour ne pas aller tout à fait à l’aveuglette dans cette vie brumeuse. C’est souvent en fin de parcours, le jour d’une deadline par exemple, que je vois le chemin que mes intuitions ont tracé.
Ce que j’aime, c’est l’écrit. Il y a tant d’auteurs pour qui j’éprouve de l’admiration. Ma plus grande admiration va à Robert Müsil, qui a travaillé son Homme sans qualités pendant cinquante ans, jusqu’à sa mort, revenant parfois sur des passages écrits des années auparavant. Ce refus presque désespéré de lâcher, de laisser une chose telle quelle, et de toujours revenir dessus pour la polir jusqu’à ce qu’elle cristallise exactement ce qu’il fallait exprimer, me touche très profondément. Je n’arrive pas à imaginer tous les sacrifices qu’il a dû faire pour ça.
Créer est ma façon de lutter contre l’usure. Je ne supporte pas de voir les choses et les gens s’éroder, alors j’essaie de maintenir vibrante la palpitation qui rend toute chose si intéressante. C’est un équilibre fragile que je perds souvent. Les mots sont l’outil que j’ai trouvé pour m’aider. Ce sont des mots que j’essaie d’appliquer à ma vie.
Ce que permet la forme théâtrale d’après moi est de rendre visibles les relations entre les hommes qui sont autrement intangibles. Les relations entre les choses aussi. La combinaison de corps vivants, d’objets inanimés, et de paroles me fait sentir une plénitude que je retrouve difficilement ailleurs. Et je ne parle pas encore des images, de la lumière, de la voix des acteurs ou du noir…
Avant le théâtre, je me destinais à une carrière d’architecte. Si j’ai interrompu cette voie après deux années d’étude à Leuven, c’est une sensibilité qui m’est restée. Je suis particulièrement touché par ce que les formes et les dimensions d’un espace peuvent déclencher en nous, par les différentes qualités de lumière qui peuvent l’habiter, et une des questions qui me guide est : qu’est-ce qu’un lieu ? Qu’est ce qui fait qu’un endroit devient un lieu, c’est-à-dire un endroit où l’on veut s’arrêter et qui fait résonner quelque chose en nous ? C’est une question qui a traversé mes différents projets et qui continue à me donner envie de m’intéresser au monde pour y trouver des indices de réponse.